Vous savez ce qu'est un caméléon ?
Oui, il s'agit d'un petit reptile qui a l'étonnante particularité de prendre et d'adopter les couleurs du milieu ambiant.
Un caméléon placé dans un environnement totalement noir deviendra noir. Placez en un dans un bocal de bonbons colorés et au bout de quelques minutes il aura l'air lui-même d'une demi-douzaine de bonbons, ayant pris les couleurs ambiantes comme modèle pour la couleur à afficher sur sa peau.
Ces aspects de mimétisme que l'évolution lui a fait prendre le protège évidemment contre les prédateurs, ces derniers ne le voyant tout simplement pas au naturel, n'en ayant pas vraiment. Ajoutons qu'outre ses capacités de mimétisme ce petit animal a fort peu de capacités de défense : il est éminemment vulnérable.
Alors l'identité, chez un caméléon, c'est un peu emprunter celle(s) des autres !
On pourrait dire que dans une bonne mesure, les enfants de moins de 5 ans débutent leurs vies sociales tels les caméléons de la section précédente : en empruntant et en adoptant à leur compte les manières, les façons de dire et les façons de faire - les comportements - qui les ont le plus frappé sur tel ou tel personnage autour d'eux, habituellement leurs parents. Comme s'ils prenaient les couleurs ambiantes du milieu. C'est d'ailleurs pour cela que bien souvent, lorsqu'un enfant est amené en consultation pour des difficultés psycho-sociales, le travail auprès des parents est habituellement à faire en parallèle.
Les jeunes enfants sont littéralement assoiffés de références à imiter, à connaître, ainsi que de mots et d'expressions utiles avec lesquelles ils pourront bien se faire comprendre par l'environnement. Autrement dit, tout se passe comme si, dans leur esprit, s'intériorisait de petites images des personnes significatives de leur vie débutante, servant ensuite de références personnelles ainsi que de guides pour leur conduite, en ce monde.
Un enfant privé de ces références, et de leurs intériorisations subséquentes en eux, deviendrait un enfant privé d'outils de contact et d'interactions efficaces avec l'environnement : ce qui le rendrait faible ou démuni en moyens de réactions et de défenses face à un environnement qu'il ne comprendrait alors que peu ou pas.
Pour avoir une idée du "comment cela se vivrait" vous n'avez qu'à vous imaginer dans une vie autre que celle que vous vivez présentement. Ainsi : que diriez-vous de vivre dans l'un des faubourgs de Tokyo ou de Shanghaï ? Ni langue pour communiquer, ni connaissance des règles sociales en usage là-bas, alors comment feriez-vous si, une fois sorti de votre appartement de la rue Kyoto, vous ne retrouveriez plus votre chemin ? Comment feriez-vous pour échanger avec vos voisins ? De même pour un jeune enfant qui, par surcroît, n'a pas encore les capacités mentales et intellectuelles d'un adulte.
Alors on peut applaudir le fait qu'à maints égards, les jeunes enfants puissent ressembler aux caméléons de notre précédente illustration!
Celui que l'on a universellement acclamé comme une sorte de héros, le russe Pavlov, avait trouvé il y a un siècle quelque chose qui pourrait ressembler à ceci : on peut conditionner un chien à lever la patte lorsqu'il désire manger. Quel succès il a eu pour si peu : de quoi lever les deux bras !
Des millions de chiens sur terre lèvent la patte : c'est vrai effectivement qu'il est aisé de les amener à faire cela, mais dans le cas des chats ? Y a t-il des millions de chats sur terre qui savent lever leur patte lorsqu'ils ont faim ? Hum... Cela est rare, n'est-ce pas ! Le conditionnement serait donc limité à certaines actions et ce, dépendamment du type d'animal que l'on a devant soi, de ses régistres plus ou moins innés de comportements.
Alors, un enfant : une pâte aussi vierge que ça ?
Et dans le cas d'un chêne ? Enseigne-t-on à un gland à devenir un chêne ?
Selon toute vraisemblance, il semble que le gland n'ait qu'à suivre la route d'évolution individuelle inscrite en lui pour y parvenir.
Dans le cas des jeunes enfants, bien malin qui pourrait trancher le débat mais une chose est sûre, c'est que l'observation courante montre que fort tôt dans sa vie, l'enfant a déjà une façon d'être ou de faire qui lui est fort particulière.
Tout cela pour dire que derrière l'aspect "identité sociale" en formation chez le jeune enfant (son côté "caméléon") se cache un "soi-même" qui, lui, n'a probablement jamais été appris.
En résumé, il y a deux identités distinctes en chacun de nous : la première servant des buts extérieurs d'adaptation à l'environnement (le côté caméléon) et l'autre, d'ordre intime, fort individuelle, pouvant être vue comme notre noyau individuel d'être, i.e. notre "soi-même".
Pour une santé mentale optimale, ces deux identités sont très importantes à développer chez tout enfant aspirant à bien s'adapter en ce monde, le tout de façon "très existante" et vraie.